Psychodrame psychanalytique individuel : plaidoyer
C'est quoi le psychodrame ?
Le terme de psychodrame est
aujourd’hui entré dans le langage courant. En témoigne l’expression
devenue à la mode : « on est en plein psychodrame ». L’idée
exprimée ici illustre une situation particulièrement difficile où les
protagonistes ont le sentiment de vivre un « drame
psychologique ». D’où une première appréhension légitime devant un
terme qui, en réalité, décrit une technique psychothérapeutique précisément
théorisée et reconnue pour son efficacité.
Petit historique du Psychodrame.
La paternité du terme de
psychodrame revient au médecin J.L. Moreno. Dans les années 1920-1930 Moreno
expérimente un « théâtre de la spontanéité » où le patient était
invité à mettre en scène ses problèmes pour les faire disparaître.
Dans
les années 60 un groupe de psychanalystes français réinvestissent le
psychodrame morénien pour le transformer en profondeur. Il ne s’agit plus
tellement de se centrer sur la visée cathartique du psychodrame – ce qui est
« lâché » sur scène – mais plutôt sur ce que le jeu suppose et
engage comme scène psychique privée à interpréter. L’action par le jeu
n’est plus une fin en soi mais un moyen d’arriver à un travail psychique
d’élaboration, de transformation, des modes de fonctionnement de l’individu.
Ainsi le psychodrame
psychanalytique individuel est devenu une nouvelle approche thérapeutique
pensée pour des personnes pour lesquelles les dispositifs strictement verbaux
ne conviennent pas. Il s’invente comme une adaptation du cadre analytique dont
il garde les éléments clés, à savoir l’analyse du transfert, de l'inconscient,
et le travail d'élaboration, de symbolisation ou de construction à partir de
contenus psychiques bruts.
Notre pratique s’inscrit dans
cette lignée.
Définition du psychodrame
individuel
Le psychodrame emprunte au théâtre
sa dimension ludique, au jeu de rôle sa spontanéité et à la psychanalyse sa
profondeur. C’est une forme de psychothérapie qui par son utilisation du jeu
d’improvisation, sa mise en mouvement du corps permet l’élucidation et le
traitement de certaines problématiques difficilement accessibles autrement. Par
sa mise en jeu d'une parole qui s'incarne, de l’imaginaire, du « faire
semblant » et grace à la présence de plusieurs thérapeutes
psychodramatistes, le psychodrame permet de se lier aux mots, de se
représenter, d'ouvrir accès aux perceptions, sensations et associations
qui jusque-là n’arrivaient pas se dire ou se ressentir.
Fragments cliniques
"Le Psychodrame c'est comme du
théâtre alors?", Nicolas, 14 ans.
Si
le psychodrame peut ressembler au théâtre le but poursuivi est
fondamentalement différent. Il ne s'agit pas de bien jouer mais de mieux
penser.
Tout
d’abord le vocabulaire. Ici ni décor ni costume. Point d'acteurs mais des
thérapeutes et un patient. Enfin il n'y a pas de public, le contenu des séances
étant bien évidemment confidentiel.
Il ne
s'agit pas de "créer" au sens artistique mais de relancer un
processus créatif. D’ailleurs il n’y a pas de texte à interpréter mais une
parole qui cherche à se dire. C’est souvent le contraste avec ce que l’on
s’attendait à jouer et la scène effective qui fait l’intérêt de cette approche.
"Mais si on joue c'est pas
vraiment sérieux", Alice 29 ans
Nul besoin d'être austère pour être
sérieux. Lorsque l'on sait la quantité d'affects que le jeu psychodramatique
engage il devient évident que les scènes jouées ont à voir avec la réalité du
patient. Le jeu a donc toujours un enjeu où le personne se dit et se
risque.
Pensé comme une médiation par le
jeu, c'est-à-dire comme une technique amenée à produire un discours nouveaux
sur les symptômes, le psychodrame conduit vers une "autre" réalité.
Cette part "cachée" du sujet et qui pourtant ne cesse d'insister. Et
c'est tout le sérieux de l'inconscient que de se révéler dans les détours du
jeu et de la parole.
Les spécificités du psychodrame.
• Le jeu.
Au
psychodrame le patient joue, parle, fait des gestes. Il est debout, aidé en
cela par un groupe de thérapeutes.
Dans cet espace de jeu, le patient
peut reconnaître chez les autres personnages les différentes facettes de sa
personnalité. Il va pouvoir travailler dessus grâce au plaisir du jeu
improvisé. Dans cette entreprise de transformation, il va être amené
à s’apprivoiser peu à peu via un « effet miroir ».
• La dimension groupale du
psychodrame.
Le
groupe mobilise des processus psychiques et des dimensiosn de la subjectivité
qui ne sont pas mobilisés de la même manière dans les thérapies individuelles. Au
sein d’un cadre rassurant et fiable, le psychodrame travaille notamment sur les
"prérequis" : pour ceux dont les problématiques exigent que
soient d’abord rétablis les conditions d’un contenant psychique.
• La dimension diagnostic
Le
patient est donc inviter à découvrir les ressorts de son fonctionnement mental.
De plus nous avons constaté que cette technique avait une véritablement
pertinence diagnostic dans la mesure où le patient est "en
situation". Les psychodramatistes ont alors à leur disposition un matériel
très riche en terme de structure psychique.
Que joue-t-on en psychodrame?
On peut jouer aussi bien le présent
comme le passé ou l’avenir. Le choix est très large.
Tout ce qui vient à l'esprit peut
donc être joué au psychodrame; les co-thérapeutes pouvant jouer des animaux ou
des objets. Cette totale liberté n'est pas confusionnante car elle va de pair
avec la règle d'abstinence - "On ne se touche pas". Le but n'est pas
de jouer au plus près un souvenir mais de créer les conditions de possibilité
pour qu'un élément nouveau de l'histoire du sujet apparaisse. Et c'est souvent
le décalage produit entre la scène imaginée et la scène jouée qui est plein de
sens.
A qui s’adresse le
psychodrame ?
Les indications de psychodrame sont
nombreuses et se pensent toujours au cas par cas. Elles ne dépendent pas d'une
pathologie précise mais se pensent plutôt en fonction de difficultés à se
représenter, à symboliser, à rêver, à mettre en mots les vécus et les conflits
internes, vécus de vide, de « blanc », de confusion, de sidération,
des angoisses de n’avoir « rien à dire ».
Le psychodrame peut être proposé
comme une alternative à une thérapie « classique ». Parfois il
est mis en place en complément et en articulation avec une prise en charge
individuelle; comme un nouveau souffle.
Le psychodrame : aussi bien pour les enfants et adolescents que pour les adultes.
Le
psychodrame se pratique de 7 à 77 ans...
Par
exemple avec un enfant on joue d’avance la rentrée à l’école, la visite
chez un dentiste, la naissance d’un petit frère, la séparation des parents, la
mort de la grand-mère, etc.
Avec un
adulte, un problème d’embauche, de conflits avec le supérieur hiérarchique, des
questions d’argent, des conflits familiaux, les craintes…
Enfin le
psychodrame est tout particulièrement indiqué pour les adolescents car les
principales thématiques de cette période de transition ( l’agir, le
groupe, le corps en mouvement ect...) sont inhérentes à son dispositif.
Fragments Cliniques
• Maxime est un garçon de 11 ans dont
l'indication de psychodrame a été posé eu égard à ses difficultés scolaires et
à la pauvreté de son monde interne. Englué dans des affects dépressifs,
Maxime n'arrive pas à esquisser un début de conflictualité psychique. De fait,
il a du mal à investir la relation "en face à face" disant qu'il
"n'a pas d'idées, pas de souvenirs" et qu’en plus « il ne
sait pas jouer ».
Lors de la première séance de psychodrame, nous
jouons avec Maxime une scène où un garçon interrogé par la maîtresse
déclare ne pas avoir d'idée.
C'est
sans conteste l'un des avantages du psychodrame. Etayé par les co- thérapeutes, Maxime terminera la scéance en disant
au meneur de jeu : "qu'il y avait
en fait pleins de choses à dire" et qu'il s'était "senti moins seul".
Plus tard dans le traitement, Maxime dira « qu’il ne demandait qu’à parler » mais « avait trop peur de ce qui
pourrait se passer s’il avait
des idées ».
•
Léo est un adolescent de 17 ans
pour qui toutes relations aux autres s'avèrent compliqués. L'équipe du
psychodrame sent rapidemment que c'est parce que Léo n'a pas "les
mots" pour dire son malaise qu'il en vient à de violents passages à
l'acte. Le travail s'oriente alors vers une entreprise d'étoffage de ses
représentations psychiques.
Peu à peu nous remarquons que l'adolescent
commence à "trouver une autre voie". Maxime commence à percevoir
que ses conduites invalidantes sont autant de manifestations défensives
pour exister face à ses pairs.
• A 32 ans Mathilde commence par nous
dire qu'elle a "tout pour être heureuse" : une carrière brillante, un
mari aimant et un bébé adorable. Pourtant elle est régulièrement
sujette à des crises d'angoisses qui la paralyse et la conduise à des
stratégies d'évitement.
Le travail de fond auquel amène le psychodrame lui
permettra de se centrer sur ses troubles alimentaires. "sélectionner les
aliments, contrôler ce que je mange est pour moi la seule façon de sentir que
le cours de l'existence ne m'échappe pas" dira une co-thérapeute en
position de double de la patiente.
Lors de l'analyse de cette scène, Mathilde
nous confiera qu'elle n'avait jamais envisagé les choses sous cet angle et que
cette parole lui ouvrait de nouvelles pistes...
Déroulement
d’une séance
• Le psychodrame alterne des
séquences qui se « jouent » et des moment d’échange avec le
« meneur de jeu », qui est responsable de la séance, le garant du
cadre et le seul à dialoguer avec le patient en dehors des scènes jouées. C’est
lui qui rencontre le patient lors d’un entretien préalable et fait le lien avec
les différents acteurs du parcours de soin. Il ne joue pas dans les scènes et
décide de l'arrêt de celles-ci.
•
Les
"co-thérapeutes" au nombre de deux ou trois. Ils ont pour
unique fonction de participer à la scène de psychodrame en jouant au plus près
le conflit psychique du patient.
•
La
séance commence par un échange avec le meneur de jeu. Puis le patient
est invité à proposer un scénario qu’il souhaite jouer ( un événement de sa
vie, un souvenir, une idée…) Il se donne alors un rôle. Enfin
il choisit parmi les co–thérapeuts à sa disposition ceux qui
interviendrons dans la scène.
•
Cette
séquence est suivie par une élaboration avec le meneur de jeu.
Cadre de travail du psychodrame
•
• Une
séance de psychodrame dure 25 minutes. Une mais le plus souvent plusieurs
scènes sont jouées.
•
• Le
groupe de psychodrame se compose d'un couple de psychodramatiste confirmé et de
deux ou trois psychologues en formation.
•
• Chaque
séance de psychodrame est suivi d'une reprise en équipe. Ce temps est essentiel
car il permet aux thérapeutes d'analyser ce qui vient d'être joué afin de
toujours être au plus près des problématiques du patient.
•
• Des
synthèses plus conséquentes et des groupes de réflexions
théorico-cliniques sont organisés au cours de l'année. Trimestrielles, elles
font le point sur l'avancée des prises en charge et nourrissent la réflexion.
•
• Enfin une supervision trimestrielle
avec un superviseur extérieur est garant du cadre.